Le Cahier Bleu

La vie après le 75

La nouvelle nous a prise un peu par surprise, et nous réalisons tout juste: nous allons quitter notre maison au 75, et déménager au 48, au dessus de Scorching Bay. La décision, suivie de l'achat, fut épique. Retour sur ces quelques semaines riches, en attendant le déménagement à proprement parler.

Le 18 Décembre 2015 - Tags: blog


Vendredi après-midi.

L’année se termine et une fois encore, elle fut riche en accomplissements. Parmi eux, un dont je suis particulièrement fier est celui de notre transition électrique. Début 2015, j’espérais encore vivre assez longtemps pour voir les voitures électriques remplacer celles avec un moteur thermique. Puis je découvrais Tesla, discutais avec des amis et peaufinais ma connaissance des technologies, et de l’état du marché. En milieu d’année, j’étais beaucoup plus optimiste quant à l’imminence de cette transition. J’appris aussi l’existence du Mitsubishi Outlander PHEV. Un weekend, nous l’essayâmes, et un autre, je pris l’initiative d’en acquérir un. En effet, je m’étais un jour plaint de notre autoradio, et Seb m’avait convaincu que, quitte à vouloir changer d’autoradio, autant changer de voiture, puisque la nôtre, un SUV Ford, se conduisait très mal. Il avait dit ça, mi sérieux, mi amuse, mais la concrétisation de l'achat, elle, fut bien réelle. Depuis, nous sommes comblés par ce véhicule qui nous fait glisser sur les routes de Wellington en silence et sans pollution tous les jours de la semaine.

Cela étant, cette voiture avait un prix. Son vrai prix, le plus élevé que j’ai accepté de payer pour une voiture. Mais aussi un autre, logistique : pour le recharger, il allait falloir utiliser la seule station disponible de Wellington, heureusement située juste à côté de mon bureau. Cette situation allait devoir durer jusqu’à ce que nous ayons trouvé une solution pour la recharger à la maison, la nuit. Or, impossible de le faire chez nous sans construire un garage, la configuration de la route et de la maison nous empêchant de simplement dérouler une rallonge. Par ailleurs, le besoin de pouvoir garer la voiture autrement que sur la route était aussi exacerbe par plusieurs autres facteurs, et en particulier le fait qu’il faille traverser la route pour rejoindre la voiture ou la maison : même avec un garçon aussi raisonnable et raisonne qu’Adan, les Papas se faisaient des cheveux blancs chaque jour en partant à la maternelle ou en revenant du travail.

Les deux options qui s’offraient à nous pour résoudre cette équation étaient donc de construire ce garage, en creusant la colline, ou de trouver une maison déjà équipée. Pendant 6 mois, nous avons étudié les deux alternatives. Tout en travaillant avec des cabinets d’architecte, nous avons visite des maisons. C’était assez épuisant, surtout émotionnellement, car nous ne pouvions nous projeter, ni dans notre maison, ni dans aucune autre, tant que l’une des deux options ne s’affirmait pas comme la bonne.

Construire un garage nous a été présenté comme très cher, mais en même temps, nous ne trouvions aucune maison qui satisfasse nos critères. Un jour, nous avons décidé d’arrêter de tergiverser et de se lancer corps et âmes dans le garage. Au moins, finies les tergiversations, nous pouvions faire progresser notre projet.

Puis, il y a trois semaines, un agent immobilier avec qui nous discutions depuis plus d’un an nous a envoyé un lien vers une maison sur le point d’être mise en vente, nous assurant que nous l’aimerions. J’ai failli répondre à son mail sans même cliquer sur le lien. Et puis finalement, je suis allé voir. Le soir même, nous la visitions. Et sans hésitation, nous en sommes tombés amoureux. Elle avait tout : la taille, les vues sur la mer, plein d’arbres, un terrain pour qu’Adan puisse jouer au même niveau que la maison, une cheminée, du charme … et un garage. Certes, celui-ci était un peu petit pour notre voiture, mais le chemin y menant serait exclusif à notre usage. N’était-elle un peu trop petite elle-même ? Peu importe, car son terrain allait nous permettre de l’agrandir, augmentant sa valeur ; un bon placement en somme.

Les jours qui ont suivi nous ont permis d’etudier chaque aspect de cette maison. Elle allait etre mise aux encheres, un mode de vente classique en Nouvelle Zélande, et il fallait être sur que si nous participions, ce serait sur une propriété saine. Il fallait aussi nous familiariser avec ce mode de transaction. Ainsi, nous avions déterminé quels étaient les fourchettes de budget que nous étions prêts a dépenser pour la maison, ainsi qu’avec les techniques de participation destinées a « intimider » les autres participants. A la clé, une maison magnifique, charmante, encore au-dessus (était-ce possible ?) de la nôtre … et la possibilité de résoudre, en une opération, notre projet de garage. Sans elle, nous avions encore 8 mois de projet devant nous.

Quand nous sommes arrivés dans la salle aux enchères, nous étions très concentrés, et prêts à en découdre, selon nos termes. Debout, habille en costume, j’assistai avec Seb aux enchères qui précédaient la nôtre. J’étais tendu, visage fermé, un peu fébrile, mais déterminé à ne pas le montrer. Puis la maison a été présentée par le commissaire. J’ai laissé les premiers montants se succéder en silence. Arrive dans la zone de prix que nous pensions juste, je suis rentre dans la danse. Dès qu’un participant rajoutait un montant, j’en rajoutais autant immédiatement. Parlant haut et fort, je joignais le geste à la parole, levant la main alors que j’écrasai les autres. Tout s’est ensuite passe très vite, jusqu’à une somme que personne ne pouvait suivre, mais encore en dessous de la valeur de la maison. Nous menions l’enchère, mais pour autant, la réserve n’était pas atteinte. Le commissaire nous a alors invite à rejoindre une pièce pendant que le vendeur se rendait dans une autre. La réserve nous a été dévoilée, elle était irréaliste. Entre elle et notre enchère, il y avait un prix, heureusement encore situe dans notre budget. Apres quelques allers et retours, nous tombions d’accord et le deal fut scelle.

En même temps que le marteau retombait sur le pupitre, ma pression s’estompa, et je m’appuyai sur le mur le plus proche. Le vendeur nous rejoint, tout sourire, pour nous féliciter. Sa fille, présente au moment des négociations, pleurait un peu, attachée qu’elle était à cette maison. Nous signâmes quelques papiers, on serra quelques mains, puis nous sommes partis chercher Adan, un peu sonnes. Ainsi, nous allions quitter notre maison au 75, découverte 10 ans plus tôt, chargée de nos souvenirs, pour une nouvelle demeure. Celle-ci, en plus d’exacerber encore plus la vie si proche de la nature qu’offre Wellington, allait nous permettre de finaliser notre transition électrique : quand nous aurons déménagé en Février, nous pourrons recharger cette voiture, symbole de cette transformation, à la maison.

- Benoit -