Le Cahier Bleu

Our country selon Yagdar

Comment les differentes cultures, les differentes ethnies, cohabitent en Nouvelle Zelande? Mieux qu'ailleurs, beaucoup mieux qu'ailleurs, comme j'en suis le temoin, au travers de multiples symboles, de multiples experiences. Un modele de tolerance et d'integration, qui s'il n'est pas parfait, devrait servir d'exemple a d'autres nations occidentales.

Le 6 Octobre 2010 - Tags: opinion


Vendredi, il y a deux semaines, j'assistai a une de mes sessions Toastmaster. Ce jour la, je n'y participai qu'en tant que spectateur. Un autre intervenant, Yagdar, y presentait lui son 10e et dernier discours. Il s'agissait pour lui de defendre l'idee que les possums sont une menace pour l'ecosysteme neo-zelandais. Son argumentaire etait interessant et d'autant plus impressionnant que Yagdar est begue severe. Sa determination a apprendre le parle en public m'a toujours impressionne. Mais ce jour la, c'est une petite phrase qu'il a prononce qui a attire mon attention. Tout a son discours et son enthousiasme a eradiquer les possums, Yagdar, immigre indien, dit "... demarrer un programme d'eradication et eduquer sur les ravages de cette peste participeront a renforcer la biodiversite de notre pays ...". Je trebuchai sur le "notre pays" et passai de la biodiversite a l'ethnodiversite. Alors que les pays d'Europe s'interrogent toujours et de plus en plus sur leur identite, ici, sur une petite ile au fin fond du Pacifique, se cotoient de multiples cultures, de multiples religions, de multiples minorites, et forment la nation neo-zelandaise. On se cotoie, donc, et on se respecte, on s'accepte, et dans le cadre exceptionnel de ces deux iles, on construit un jardin d'Eden, un reve d'integration, de tolerance.

Bien sur, tout n'est pas aussi rose, et il y a des ecueils, quelques tensions, mais je les percois comme secondaires, peripheriques, a l'harmonie de l'ensemble. Comment ne pas y croire, ne pas s'emouvoir devant cet immigre indien qui parle de "son pays" avec naturel et sans complexe? Ici, chacun fait vivre sa culture sans essayer de la defendre comme si elle etait assiegee: les Europeens, les Maoris, les Asiatiques, les Indiens ... Ensemble, c'est tout, pour paraphraser Anna Gavalda.

De la meme maniere, cette integration passe aussi par l'inclusion de la culture de l'autre. Souvent, lors de discours publics, l'orateur saluera le public par des paroles en anglais, puis en maori. Ce fut le cas il y a une semaine quand le depute Ian McKinnon, invite a l'inauguration de la saison estivale au club de voile, commenca par adresser ses salutations et remerciements au public, en anglais d'abord, puis poursuivit naturellement avec quelques phrases en maori. Peu importe qu'il n'y ai pas de maori dans la salle. Je trouve ca beau, et pas seuleument parce que le maori est une jolie langue. Quelle meilleure preuve de respect que de prononcer quelques mots dans la langue de son hote, de son voisin? Quelle meilleure demonstration d'ouverture d'esprit? Quel geste plus fort quand on veut faire un pas vers l'autre? En 2009, Barack Obama, qui sait mieux que quiquonque l'importance des mots, avait commence son discours au Caire par saluer l'auditoire musulman d'un "assalaamu alaykum", salutation polie en arabe. Par ces deux mots, il avait deja conquis son public.

Enfin, et pour revenir a la Nouvelle Zelande, j'ai une fois de plus ete temoin de cet effort manifeste d'integration, d'inclusion, et dans ce qu'un pays peut offrir de plus beau a ses citoyens: le vote. Pour les elections municipales qui ont lieu en ce moment, chaque habitant recoit un livret contenant la presentation succincte de tous les candidats, ainsi que le resume de leur programme. Et comme le vote se fait par courrier, ce petit livret contient aussi les instructions pour remplir le bulletin, contenu dans le pli. Les premieres pages du livret sont ecrites en anglais, en maori, en samoan ... puis en des langues asiatiques que je ne saurais lire! Cet effort a l'egard des communautes pour qu'elles puissent faire entendre leur voix m'oblige, moi qui suis deja attache au droit/devoir du vote, a participer aussi. La vraie reponse au probleme des tensions intercommunautaires qui traversent certaines contrees d'Europe, reside dans cette approche: accueillir et respecter, plutot que de reprimer, de durcir, d'abaisser les enfants de l'immigration. Autremenent dit, embrasser ce message humaniste: considerer que la difference est une richesse plutot qu'une menace.

Juste avant de conclure, je voudrais etendre ce sentiment d'egalite et de respect aux equilibres hommes/femmes. La Nouvelle-Zelande fut le premier pays ... au monde (!) a donner le droit de vote aux femmes. Aujourd'hui a des postes cles dans les entreprises, dans les pouvoirs publics, il me semble qu'elles sont traitees d'egal a egal avec les hommes. On note encore des differences de salaire a poste identique, mais globalement, la representation et la proportion atteint ici un equilibre qui fait mecaniquement honte a beaucoup d'autres democraties occidentales. En resulte des relations apaisees et fluides, chacun a l'aise dans son role, sans complexe de superiorite, ni d'inferiorite.

Ce tableau apparait tres positif, et il n'est que le reflet de la realite, un ressenti. Mais s'il semble tres positif, c'est aussi parce qu'il contraste violemment avec les conflits qui secouent les nations entre elles, les nations en elles. Ces gesticulations dangereuses s’averent encore plus vaines quant elles sont eclairees par la lumiere d’une integration harmonieuse, et respetueuse dont je suis le temoin ici, a Aotearoa.

- Benoit -