Benoit - 5 Septembre 2023
Nous avions quitté d’Urville mi-juillet et il nous semblait inconcevable de patienter jusqu’à Noël pour y revenir. Or, durant les prochaines vacances scolaires, la France nous attendait, et j’étais résolu à retourner dans notre paradis en télétravail, a d’Urville une fois avant le grand voyage.
Jusqu’au dernier moment, notre départ, prévu fin aout, n’était pas garanti. Pour compliquer les choses, j’avais changé de contrat au début du mois : je ne pouvais guère espérer m’absenter une semaine du bureau sans avoir correctement cimenté le siège dans mon nouveau rôle. En quelques semaines, j'avais reussi a faire mon trou, et nous partîmes le 25 aout. Un ultime rebondissement à cause des ferrys nous fit quitter Wellington à deux heures du matin. C'était dur, mais nous étions contents.
Arrivés à Picton vers 6h, nous prîmes d'abord le petit déjeuner dans cette boulangerie allemande. Le départ pour d’Urville n’étant pas prévu avant le lendemain pour cause de météo, je pris le temps d’aller chercher le complément de bois dont j’avais besoin pour notre chambre. Nous fîmes aussi étape a la piscine de Blenheim, à la plus grande joie des enfants.
Aux petites heures du samedi, je réveillai les garçons, espérant être sur l’eau le plus tôt possible. Le brouillard enveloppait toutes les choses jusqu’au départ d’Havelock, où le soleil réussit à percer, laissant apparaitre les sommets du Pelorus, et enflammant les tussocks de l’estran. Lucas nous accompagnait. La traversée fut sans encombre, sous un soleil glacial.
Et glacial, il est resté. Toute la semaine, ses rayons venaient lécher la surface de l’eau et les cimes des arbres. Il fit très beau, mais aussi très froid. Lucas, pourtant avide nageur, ne fit trempette qu’une fois, et je ne fis pas mieux, malgré ma bonne volonté. La cheminée tourna à plein, ainsi que celle du spa. De fait, nous étions motivés pour augmenter la production de bois. La durée des batteries de la tronçonneuse fut en deçà de la capacité souhaitable, mais elle fut amplement utilisée. Les batteries de la maison aussi, du fait du froid, eurent du mal à nous fournir tout le courant dont nous avions besoin, à cinq, pour faire tourner la maison.
Durant le séjour, j’essayai de tracer le contour du potager en déroulant une longue ficelle afin d’identifier les troncs qui soutiendraient la clôture. Nous fîmes avancer la chambre. Entre deux, il fallut aussi travailler. Et c’est surement la que nous fîmes une erreur stratégique : avec les enfants à charge, nos journées furent de toute évidence trop remplies. Certes, Adan, Lucas et Cosmo avaient un peu de travail d’école, mais nous nous reposions trop sur leur capacité à trouver des occupations par eux-mêmes. En difficulté pour s’inventer des activités, nous dûmes monter au créneau, en plus du reste. Nous tirions sur la corde, sans être capables de donner assez, et eux profitaient, inconsciemment, de ce moment de faiblesse, pour faire montre de comportements pas très agréables. Adan, bien que soulagé d’avoir quitté l’école pour un temps suite aux ennuis qu’il y avait subis, se montrait irascible avec son frère et avec nous. Cosmo, de son côté, se débattait pour se faire une place et la garder entre Adan et Lucas. Bref, l’ambiance fut un peu tendue et les journées défilèrent à une allure folle.
Pourtant, malgré cette tension, il y eut quelques activités mémorables. Comme cette virée sur la grande plage : Seb et Adan péchèrent du bateau pendant que Lucas, Cosmo et moi, à bord du kayak, rejoignîmes le rivage. La lumière, claire et précise, exacerbait les couleurs. Les jaunes riches, les gris sombres et les verts pastel donnaient à ce décor de Nature une profondeur jamais vue auparavant. Beaucoup de moules, d’huitres et poissons finirent dans notre assiette, et ce des les premières 36 heures. Des souvenirs furent écrits, comme quand ce red gurnard, pêché et éventré réussit à sauter et rejoindre l’eau.... avant que je ne le récupère a la main quelques minutes plus tard, aidé par les mouettes ! Ou quand Adan cassa sa ligne et perdit son hameçon et son appât… pour les retrouver, une heure plus tard, dans les entrailles d’un blue cod remonté par Seb !
Nous randonnâmes un peu dans le bush et pûmes constater que la forêt continuait de bien se porter. L’alarme, configurée dans le Sonos, était toujours active, et Radio New Zealand Concert commençait à jouer à 7 h 10, dans le calme du salon. À deux ou trois reprises, je réglai le volume à fond pour jouer « Padam » de Kylie, ou « Stoney Creek », toujours, de Xavier Rudd. Entendre ses accords inonder la vallée pendant quelques minutes, sans que personne ne puisse relever : une vision du paradis. Et les enfants continuaient de tousser en chœur au 4e vers du 1er couplet.
Nous repartîmes sur une mer d’huile. Alors que la proue de Southern Sport fendait l’eau, deux ganets nous accompagnèrent, à quelques mètres, sur ma droite. Puis quelques dauphins s'approchèrent. Nous rejoignîmes Okiwi Bay vers 9 h du matin, et Wellington à 18 h. Cette parenthèse, furtive, fut vraiment la bienvenue. Aller à d’Urville est toujours une aventure, toujours un effort, mais n’engendre jamais aucun regret.
Benoit, le 5 Septembre 2023