Benoit - 4 Mars 2025
J’avais coupé les ponts avec l’actualité, espérant préserver un peu de sérénité. Mais entre les notifications de LinkedIn et l’atmosphère délétère de mon travail, la réalité s’est imposée à moi. Partout, la brutalité et l’incompétence semblent prendre le dessus, écrasant ceux qui tentent encore de faire les choses bien. Ce texte n’est pas une analyse, juste un constat amer. Un regard sur un monde où le cynisme règne en maître.
J’avais pourtant arrêté de suivre les informations. Tous les robinets à news étaient fermés, mais mon contexte professionnel changeant, j’avais réinstallé l’application LinkedIn, et avec elle, ses notifications. Je n’avais pas réalisé à quel point cette plateforme était devenue, elle aussi, un lieu d’empoigne politique. Le sujet du jour était la rencontre Trump/Zelensky dans le bureau ovale. Je ne lisais aucun article, aucune opinion, mais les photos de la réunion en disaient long sur l’inimitié entre les deux hommes. Deux mondes en fait : d’un côté, un homme d’État ayant frôlé la mort pour son pays, doté d’une morale exemplaire ; de l’autre, un apprenti dictateur jouant les mêmes cartes que ses compères gouvernant l’hémisphère Nord planétaire, Poutine et Xi Jinping.
Ainsi, la brutalité et l’ignorance ont gagné, pour l’instant, face à la raison et à la loi. En Nouvelle-Zélande, nous ne sommes pas beaucoup mieux lotis. Christopher Luxon et sa clique ont cassé les deux genoux des services publics, et avec eux, Wellington et ses habitants. Le fond et la méthode sont largement discutables, mais qui a encore envie de discuter ? Même l’opposition est silencieuse, comme hébétée d’une telle violence, d’un tel égoïsme. Cette stratégie prépare encore plus de privatisation, plus de capital, plus de libéralisme, dans une société déjà très individualiste. Ils suivent de fait une idéologie du chacun pour soi et du plus fort, sans projet commun, eux qui reprochaient — ô ironie — aux partis écologistes, par exemple, de gouverner par idéologie quand ceux-ci voulaient implémenter des lois en faveur du climat. Cette « idéologie », c’était celle de la science, de la vision à long terme pour un avenir commun, et c’est elle qui a été balayée par une brochette de rednecks toujours plus avides d’argent, et allergiques à toute considération communautaire ou « partagiste ».
Travaillant pour le gouvernement, cette atmosphère toxique allait un jour finir par m’atteindre. Je savais que le départ de Jeff signifiait forcément une diminution du niveau, mais je ne pouvais pas soupçonner de dévisser à ce point. Un business analyst, Christian, gentil au demeurant mais bogan autoproclamé, a réussi à faire embaucher un autre de ses pairs au style encore plus brutal. John, cette petite frappe, n’hésite pas, après une paire de semaines dans le job, à suggérer à certaines équipes « … to fuck right off » si elles n’aiment pas la chanson qu’il veut leur chanter. « None of this bullshit » — c’est son surnom — mène ainsi sa barque en maniant l’intimidation, pour un niveau de compétences très approximatif.
Stephen, notre nouveau chef de projet, suit les vents politiques pris dans sa voile. Il ajuste sa barre à coups de messes basses, divise pour mieux régner, écarte, exclut et crée une ambiance toxique de non-dits. Depuis son arrivée mi-janvier, il m’a demandé à plusieurs reprises de l’aider sur plusieurs sujets. À chaque fois, j’ai répondu avec professionnalisme, dans les temps, mais il n’a jamais donné suite. J’ai dénombré au moins six lignes de travail pour lesquelles mes emails sont restés sans réponse. De manière plus générale, là où l’on attend d’un chef de projet un plan clair, bien communiqué, rassembleur, nous n’avons absolument rien.
Ainsi, au niveau global, central, local, et jusqu’à ma sphère de travail, on assiste à la victoire de la médiocrité, du plus fort, du plus bruyant, du plus sournois. Pour le monde, la Nouvelle-Zélande, Health NZ (mon employeur), ça n’augure rien de bon. Pour moi, à qui on montrera bientôt la porte sans que je ne sache vraiment pourquoi, j’ai du mal à gérer mon anxiété. Le marché de l’emploi à Wellington reste atone, et le monde, dehors, n’est pas rassurant.
Benoit, le 4 Mars 2025