Benoit - 30 Avril 2022
Retour a d'Urville pour une dizaine de jours. Difficile de ne pas etre encore et a nouveau abasourdi par les effets de cet endroit sur nos esprits, individuellement et collectivement.
Avril 2022, deuxieme semaine des vacances scolaires, quatrième voyage sur notre ile. Bien que nous soyons venus en Mars a d’Urville Island sans que cela n’ai vraiment été prévu (bénéficiant ainsi d’un sejour « bonus »), l’attente pour revenir dans notre paradis nous a semble tres longue. Et pourtant, seules six petites semaines s’étaient écoulées depuis que nous avions referme la porte de notre maison sur le rebord du monde.
Nous sommes toujours autant ebettes par ce lieu. Il ne se décrit pas, ne se voit pas, il s vit. Il offre une experience sensorielle totale. En arrivant cette fois ci, le temps était toujours au beau fixe, mais les temperatures beaucoup plus basses. L’air etait mouille, comme la glaise au bout du ponton, cette terre poussiéreuse qui volait a la moindre brise en Janvier. Les cigales s’étaient définitivement tues, en hibernation ou parties sous d’autres cieux, et seuls quelques grillons se faisaient entendre. Le calme etait écrasant et nul ne pouvait resister au poids de la sérénité qui pénétrait chaque pore de nos peaux de citadins.
Adan, aux portes de la puberté, etait arrive dans une posture défiante, distante. Chaque discussion faisait l’objet d’une confrontation, et ses relations avec Cosmo etaient tendues. Mais apres quelques jours, toute cette tension s’était evanouie, occupe qu’il etait a pêcher, lire, et jouer avec son frere chéri. Les voir et les entendre etre, tout simplement, ajoutait aux accords harmoniques de d’Urville.
Pour Seb, c’etait une semaine de vacances, et il goûtait chaque minute qui passait avec une reconnaissance apaisée. Il passait du temps avec les enfants, et s’occupait de la maison pendant que je travaillais le matin, dans le bureau installe dans la chambre, face a la montagne et la foret. L’après-midi, je rejoignais la famille pour passer du temps ensemble et faire avancer la liste infinie des « choses a faire ». Aucune de ces activites n’était une corvée, mais l’occasion de prendre soin de l’écrin ou une page importante de notre vie s’écrivait.
Ici, tout etait a sa place. De fait, toutes les considerations du monde semblaient encore plus incohérentes et absurdes que depuis la ville. Ici, je me sentais entier. Nous ne possédions cet endroit que depuis moins d’un an, et pourtant, il me semblait qu’il avait toujours ete la, avec nous, tant nous l’avions cherche. Ce lieu, au final, avait toujours ete une evidence, et il nous fallait juste le trouver. Ici, je me sentais en sécurité. La ou d’autres se seraient senti, au contraire, vulnérables, je pouvais sentir tous mes capteurs sensoriels au repos, sans inquiétudes, et goutai chaque moment, et chaque endroit pleinement. Apres une reunion, je descendais par exemple le sentier a pied, pour rejoindre Seb et les enfants, occupes a pêcher au ponton (une pêche fructueuse, d’ailleurs). Les odeurs du bush, ses couleurs chatoyantes, et ses nuances accaparaient toute mon attention. Mon regard détaillait chaque arbre, chaque feuille, presque pour les saluer. On voyait defiler des manukas, des fougères, des rimus.
On voyait aussi beaucoup d’oiseaux, plus qu’en ete en fait. Ils volaient autour de la maison, sereins. Il y avait des fantails, des ganets, et des myriades de wekas. On péchait des snappers, des blue cods, grace au lancer, de plus en plus acéré, d’Adan et de Seb. Cosmo, pendant ce temps, m’expliquait comment trouver des crabes par l’exemple. Quand la pêche n’était pas concluante, les garçons remontaient des moules ou des huîtres. Bien sur, je ne manquai pas d’aller rendre visite a Treevie avec Adan. Ce fut l’occasion d’une bonne discussion, au calme, avec mon grand, adosse a ses troncs.
Nous ne savons pas par quel miracle d’Urville est rentre dans notre vie, mais c’est comme si elle avait toujours ete la, et qu’elle attendait juste qu’on la trouve. Je me souviens d’avoir eu la conviction profonde, intime, que nous devions absolument gagner les negotiations avec Graeme, au mois d’Octobre, car cet endroit serait notre endroit, qu’il cochait toutes nos cases. J’avais raison, sur toute la ligne.
Lors d’une discussion avec Seb, nous sommes arrives a la conclusion que nous pourrions vivre ici. Le cout de la vie serait tres bas: quelques legumes, quelques allers et retours avec Nelson, et autres menues dépenses. On serait bien ici, au calme, sans grande histoire, avec nos enfants. Pour le moment, il faut les aider a grandir et nous devons accepter de trouver satisfaction dans le fait de savoir que d’Urville existe, et qu’il fait partie de notre vie, que c’est notre endroit de bonheur, ou nous sommes heureux, en paix.
Dans quelques jours, nous refermerons la porte de la maison pour quelques mois. Le programme, jusqu’à notre prochaine visite, sera riche d’événements heureux auxquels nous prendront part avec joie. Mais d’Urville nous manque deja et il nous faudra nous armer de patience avant de pouvoir y revenir.
Benoit, le 30 Avril 2022